Depuis 1986, le CRA (Cédants et Repreneurs d'Affaires) s'engage pour la préservation des entreprises locales - et de leurs savoir-faire - en facilitant leur transmission.

Comment ? En accueillant et en accompagnant environ 600 cédants par an et 1 200 repreneurs. Pour mener cette mission, l'association compte sur un réseau actif de 250 délégués bénévoles, tous anciens chefs d'entreprise ou cadres supérieurs.

Leur objectif : guider les futurs cédants et repreneurs qui le souhaitent tout au long du processus de cession ou de reprise d'entreprise. Cet accompagnement sous forme de mentorat de 12 à 18 mois se décline autour de trois axes : la formation, l'accompagnement de l'adhérent par le mentor/parrain et la mise à disposition d'outils comme des bases de données d'entreprises à céder, des partenariats avec des avocats, experts-comptables, etc.

Frédéric Vincent, président du CRA, nous partage ses conseils et son expérience, pour mener une transmission et reprise d'entreprise réussie.

Quel est le contexte actuel de la reprise d'entreprise ?

En 2021 et 2022, la reprise d'entreprise a connu un léger déclin. Nous l'attribuons à un contexte économique vigoureux, consécutif au regain post-Covid : le marché de l'emploi était porteur. Cette situation a eu pour effet de diminuer l'attrait des cadres pour la reprise d'entreprise.

En 2023, la tendance s'est améliorée avec une augmentation de 10 à 15 % des candidats repreneurs selon nos observations avec notre association CRA. Par contre, il est difficile d'avoir une estimation à l'échelle de la France, les transactions de cession d'entreprise étant peu médiatisées.

Qu'en est-il pour les cédants ?

C'est différent. Le nombre de cédants est resté stable. Ce constat devrait évoluer ces prochaines années avec des chiffres à la hausse. Selon un rapport d'information du Sénat, 25 % des dirigeants d'entreprise ont plus de 60 ans et 11 % plus de 66 ans. Sur le terrain, nous sentons cette tendance.

Les cédants que nous accueillons viennent parce qu'ils se posent la question naturellement de leur retraite entre 65 et 70 ans. L'intervention du CRA prend tout son sens.

Nous allons former chaque cédant à la cession avec un délégué qui va l'accompagner tout au long du processus de cession. Nous allons lui dire, par exemple : "Attention si vous voulez céder, posez-vous les bonnes questions sur la répartition entre vos enfants, le sujet de la fiscalité et la valorisation de votre entreprise. Constituez un dossier que nous allons vous aider à réaliser. Et pensez à votre couverture sociale une fois que vous aurez cédé".

Pourquoi est-il intéressant de reprendre une entreprise ? Quels sont les avantages ?

L'avantage de la reprise est que l'on acquiert une structure déjà établie, avec son personnel et ses parts de marché. C'est tout le contraire de la création d'entreprise où vous êtes confronté à des problèmes de recrutement, de financement, à l'incertitude inhérente à tout nouveau projet, etc.

Cela ne veut pas dire pour autant que vous n'allez pas créer : ceux qui réussissent une reprise d'entreprise sont ceux qui modifient son business model et en font quelque chose de nouveau. Dans le débat actuel, on oppose création et reprise d'entreprise. Or, si la reprise semble s'inscrire dans une continuité, il s'agit aussi d'une création, puisque le repreneur apporte ses idées et sa vision pour développer la structure.

Pour les entrepreneurs désireux de reprendre une PME ou TPE, quels sont vos conseils pour réussir ce projet ?

Avant tout, les entrepreneurs nourrissant un projet de reprise d'entreprise doivent être conscients de la longueur du processus, qui dure généralement de 12 à 18 mois. La transition vers l'entrepreneuriat peut engendrer des changements majeurs dans leur vie : rythme, organisation, finances.

Pour mener ce projet, il est donc essentiel d'impliquer sa famille afin d'être soutenu et entouré. En effet, le repreneur peut avoir le sentiment d'être seul pendant cette période de 12 à 18 mois où il recherche une entreprise à acquérir. Enfin, les entrepreneurs doivent veiller au choix du secteur d'activité. Au CRA, nous conseillons généralement à nos repreneurs de privilégier une activité qui est une passion ou dans laquelle leur expérience professionnelle antérieure peut être valorisée.

Où trouver les annonces d'entreprise à reprendre ?

Il existe des plateformes en ligne, comme Fusacq ou Alvo, qui répertorient les annonces d'entreprises à vendre. Les adhérents au CRA ont aussi accès à un portefeuille de 600 entreprises disponibles à la cession. Et puis il y a ce que l'on appelle le marché caché : un ensemble d'entreprises potentiellement à vendre, dont les cédants ne se sont pas encore déclarés.

C'est la partie invisible de l'iceberg. Au CRA, nous mettons à disposition de nos adhérents des bases de données pour contacter ces entreprises qui ne sont officiellement pas en vente. Ils peuvent ainsi explorer ce marché caché et trouver des opportunités de cession.

Quels sont les experts indispensables à avoir à ses côtés dans un process de reprise d'entreprise ?

Que ce soit pour un repreneur ou pour un cédant, deux experts sont incontournables : l'expert-comptable et l'avocat spécialisé  dans la transmission d'entreprise. L'expert-comptable joue un rôle essentiel dans l'analyse des comptes de l'entreprise à acquérir. Il permet de détecter les problèmes, de comprendre la dimension financière de l'activité opérationnelle et de préparer le protocole de cession avec les garanties nécessaires pour le repreneur.

Comment financer ce type de projet ?

Les transactions qu'accompagne le CRA sont généralement financées à hauteur de 30 % par l'apport du repreneur et à 70 % par des emprunts bancaires. Cependant, si la valeur de l'entreprise dépasse les moyens du repreneur, une troisième possibilité s'offre à lui : faire appel à des fonds d'investissement spécialisés dans la reprise d'entreprise de taille intermédiaire. Ainsi, ces trois sources peuvent être combinées pour atteindre le montant nécessaire à l'acquisition de l'entreprise.

Justement, comment valoriser une entreprise à céder ?

Diverses méthodes existent, notamment le Discounted Cash-Flow et la méthode des comparables. Mais elles ne s'appliquent pas aux TPE/PME, car il est difficile de les comparer à d'autres entreprises de même taille, dont on ne possède pas les données.

Par conséquent, la méthode de valorisation utilisée pour les TPE/PME est basée sur un multiple que l'on applique au résultat d'exploitation historique, hors événements exceptionnels, qu'ils soient favorables ou défavorables. On déduit ensuite de la valeur obtenue la dette financière de l'entreprise à reprendre ou on augmente la valeur de la trésorerie qui est disponible.

Quelles difficultés peut-on rencontrer avec une reprise d'entreprise ? Comment les surmonter ?

La première difficulté à laquelle je pense, qui est propre aux petites entreprises, est la question des personnes clés. Ces collaborateurs, incontournables dans les petites structures, détiennent souvent un savoir-faire essentiel. Leur départ peut donc constituer une réelle difficulté pour les nouveaux dirigeants.

Viennent ensuite les problèmes qui n'ont pas été découverts en amont : si par exemple, vous n'avez pas effectué les due diligences nécessaires, les conséquences financières peuvent être désastreuses.

La troisième difficulté est que reprendre une PME signifie endosser toutes les responsabilités. Contrairement aux grandes entreprises où le support est présent, vous êtes à la manœuvre et devez constamment gérer le court terme, tout en ayant une vision à long terme pour l'entreprise. Cette capacité à naviguer entre les aléas au jour le jour et les objectifs à long terme constitue le défi central du repreneur d'entreprise.

Autre point clé, comment gérer la clientèle avec la reprise d'entreprise ?

Il y a un point qui est très important : dès que le repreneur prend en main une entreprise, il faut qu'il établisse rapidement un contact avec ses clients. Il est essentiel de les rassurer sur la continuité et la qualité des services, et de les écouter attentivement.

Souvent, cette démarche se fait en collaboration avec le cédant, qui accompagne le repreneur pendant plusieurs mois. Cet accompagnement est rémunéré via un contrat de prestation entre le cédant et le repreneur.

La passation est également à réaliser en interne. Comment préparer les salariés à ce changement ?

C'est un défi complexe. Généralement, le repreneur n'a la possibilité d'entrer en contact avec l'équipe qu'une fois l'accord finalisé avec le cédant, principalement pour des raisons de confidentialité entourant la cession. Même si ce n'est pas un cas général, certains repreneurs proposent parfois aux salariés de participer au capital de l'entreprise, ce qui est probablement une des meilleures façons de les rassurer.

Cette approche favorise une reprise sereine et, point très important, permet d'impliquer toutes les parties prenantes dans un projet d'entreprise commun. Cela crée un affectio societatis, un sentiment d'appartenance, essentiel au succès. Cette démarche suscite ainsi un nouvel élan qui engage tous les collaborateurs et va permettre à l'entreprise de se transformer, de perdurer puis de croître malgré les changements engendrés par la reprise.

Pour former les repreneurs d'entreprise à ces étapes, le CRA propose une formation. En quoi consiste-t-elle ? Quelles sont les modalités pour s'y inscrire ?

Il s'agit d'une formation de trois semaines, destinée à préparer les repreneurs à la complexité de la reprise d'une entreprise. Elle inclut des sessions intensives de huit heures par jour, en présentiel, animées par des experts en évaluation, finance, droit et audit.

Notre objectif est de donner aux repreneurs une connaissance des mécanismes de la reprise d'entreprise : les audits à mener (social, comptable, systèmes d'information, etc.), l'évaluation, ce que peut apporter un fonds d'investissement, la valorisation de l'entreprise, la lecture des comptes, les points clés à surveiller, etc.

Cette formation à 3000€ étant enregistrée auprès de la Caisse des dépôts, elle est éligible au compte personnel de formation (CPF). Le repreneur peut donc s'y inscrire sans débourser un euro Pour les démarches, il suffit d'aller sur la plateforme EDOF et de sélectionner notre formation.